CHOPIN - musicien français
Par Emmanuel LANGAVANT agrégé de Droit public Professeur à la Faculté de Droit de l’université de Lille II
La famille
Les raisons de ce départ restèrent longtemps hypothétiques. Par exemple. CORTOT écrit qu' « il n'a pas été possible d'identifier les raisons d'une entreprise aussi délibérée » ; il ajoute encore foi, p. 109. aux élucubrations de Marie LANDOWSKA : « L'interprétation la moins invraisemblable qu'on ait pu lui accorder est qu'elle répondait à l'obscure conviction d'un jeune paysan qu'il était issu des imprudentes relations de sa mère avec un gentilhomme appartenant a la suite du Roi Stanislas » .
De même, AGUETTANT envisage successivement « fugue impulsive, méfait de jeune homme, mésentente profonde » ( p. 176 ). Cette hypothèse d'un désaccord familial doit être écartée par la découverte en Lorraine, en 1949, d'une lettre de Nicolas à sa famille, datée de 1790, où il se montre fils respectueux, attaché au foyer. ( 14 )
Le second mente de l'ouvrage de M. LADAIQUE est de donner les raisons plausibles de ce départ ( p. 172 ) : crise politique et économique en France, crainte d'être incorporé dans la milice en Lorraine, avenir familial limité.... surtout après avoir connu, de près, la vie de château !...
Après que Louis XV eût donné à son beau-père Stanislas LECZINSKI, roi évincé de Pologne, le Duché de Lorraine, il s'établit tout naturellement à Nancy et dans ses environs, une société d'aristocrates polonais exilés. C'est dans ce contexte que le château de Marainville fut acheté, en 1780, à des nobles français, par un grand seigneur lithuanien, le Comte Jean-Michel PAC, qui y menait grand train. Il confia l'administration du personnel a François CHOPIN, nommé Syndic de la Communauté.
La famille CHOPIN vivait donc en symbiose avec le château, proche de sa maison, et le gamin Nicolas allait s'y émerveiller.
Comme l'a écrit GAVOTY : « Habitué a vivre en milieu polonais - lequel parlait français - peu tenté par l'héritage du métier paternel, rendu ambitieux par le succès de ses études classiques, il suivit tout naturellement le couple WEYDLICH quand celui-ci, aux approches de la révolution française, regagna la Pologne » ( 15 ).
Il arriva à la fin de 1787 à Varsovie avec son violon ( souvenir du pays des luthiers )... et quelques livres de Voltaire. Il connaissait la comptabilité, pouvait converser en français, en allemand et en polonais. Comptable a la Manufacture de tabac, puis précepteur des enfants du Comte SKARBEK, à Zelazowa-Wola, il y fit la connaissance, dans l'entourage du Comte, de Justyna KRYZONOWSKA. qu'il épousa en 1806 en l'Eglise St-Roch de Brochow, union dont naquit le compositeur, second de leurs quatre enfants dont trois filles : Louise, Isabelle et Emilie, morte prématurément. Nicolas fut ensuite professeur de français à l’école d'Artillerie et de Génie, puis au Lycée. Il mourut en 1844. Il a manifesté par deux fois son intention de retour en France, mais sans y donner suite. Mais il importe de relever que Nicolas CHOPIN, lors de sa rencontre avec son fils à Carlsbad en I835, est inscrit au registre de police relatif aux Étrangers comme Français, qu'il n'a jamais renié sa nationalité, ni demandé sa naturalisation comme Polonais.
L'ascendance française étant bien établie, non contestable, il faut se pencher maintenant sur l'aspect plus aride, mais tout aussi passionnant, de la nationalité.
DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE
Quelques notions de droit serviront à éclairer le débat :
1 ) Il faut tout d'abord savoir que si l'étranger est soumis aux lois pénales ou commerciales de l'état où il est implanté, par contre, en ce qui concerne la condition de sa personne ( état-civil ), il reste soumis, sauf atteinte a l'ordre public ou aux mœurs de cet état, au droit civil de son pays d'origine. En un mot, son « statut personnel » lui colle a la peau, où qu'il aille.
( 14 ) cette lettre resta sans réponse, et les liens familiaux se distendirent. D’autant plus que son père s'était remarié
( 15 ) GAVOTY CHOPIN, p 20 Ed Grasset 1974