CHOPIN - musicien français
Par Emmanuel LANGAVANT agrégé de Droit public Professeur à la Faculté de Droit de l’université de Lille II
Origine
« CHOPIN Polonais - du moins le dit-on en Pologne - mais sur les origines françaises règne un silence ombrageux », constate un autre auteur français ( 3 ) et M. BOLURNIQUEL, dans son livre sur CHOPIN ( 4 ) rapporte que « les partisans farouches de la Polonité ont longtemps multiplié les hypothèses invérifiables sur l'origine de la famille. Et on rangera notamment dans cette catégorie le seul livre intitulé « De la nationalité de CHOPIN », de la grande claveciniste Marie LANDOWSKA. Nul n'attribuera plus crédit scientifique à son affabulation, suivant laquelle la grand-mère CHOPIN aurait fauté avec un Polonais, venu à la suite du Roi Stanislas LECZINSKJ en Lorraine, du nom de SZOP ... d'où CHOPIN !...
D'autres musicologues français sont plus agressifs, tel M. COEUROY. dans son livre sur CHOPIN, dans une collection pourtant intitulée « Amis de la Musique » ( 5 ) lequel fait montre de virulence : « Les Polonais ont confisqué CHOPIN à leur usage : gloriole nationale et propagande naturelle ... En admettant que c'est le patriotisme qui ait dicté telles Polonaises ou Études, il y a loin jusqu'à vouloir à tout prix que sa musique revèle partout, comme le soutiennent les partisans d'un polonisme intégral, toute une épopée sociale ».
Il a fallu un siècle pour pouvoir établir de façon précise et objectivement irréfutable le problème de la nationalité, ou plutôt des origines de CHOPIN. Tous les moyens furent mis en œuvre pour brouiller les pistes, fausser les faits, égarer les recherches en formulant des hypothèses tendancieuses : on alla jusqu'à publier des correspondances apocryphes. En dernière analyse, ce n'est ni parce qu'il a une mère Polonaise, ni parce qu'il est né en Pologne, que CHOPIN est de plein droit un musicien polonais : c'est un musicien de génie, qui utilise le folklore ( 6 ).
Inutile de multiplier les citations... On aura compris qu'au-delà de leur même communion dans le culte de CHOPIN, existe en France et en Pologne une pomme de discorde : la nationalité du compositeur, que doit tenter de résoudre le juriste.
Tout d'abord, il ne sert de rien de rappeler le symbole de l'union entre les deux pays - ou du partage - qui fait que CHOPIN repose au cimetière du Père Lachaise à Paris, alors que son cœur est en l'Eglise Sainte-Croix à Varsovie.
En second lieu, il n'est pas possible de suivre le Larousse de la Musique ( 7 ) dans lequel il est affirmé que « CHOPIN est à demi-français par son père », non plus que M. COEUROY qui déclare qu' « il n'est Polonais qu'a moitié » ( 8 ).
Le Droit reconnaît aux individus la possibilité d'avoir double nationalité, mais la nationalité ne se divise pas par deux ... Pas davantage on ne peut adhérer à la phrase suivante, extraite d'un livre récent sur le piano ( 9 ) : « Revendiqué à la fois par les Polonais qui en ont fait une gloire nationale, et par les Français qui en ont fait un des leurs, ce fils d'un Français et d'une Polonaise n'en reçut pas moins, dès sa naissance, une double hérédité - ce qui n'est pas une notion juridique » .
Par contre, le pianiste Alfred CORTOT relève « l'attribution qui nous est généreusement consentie par certains pays, par suite de la nationalité originelle du père et du long habitat de CHOPIN sur les rives de la Seine, de sa citoyenneté française authentiquée (sic) légalement » ( 10 ) par un passeport de CHOPIN.
Puisque certains pays nous l'accordent, il convient de suivre la piste française, à partir d'une donnée simple : nul n'ignore que Frédéric CHOPIN est né en Pologne, en 1810, d'une mère polonaise Justyna KRYZANOWSKA, et d'un père français Nicolas, lequel déclarait volontiers être originaire de Nancy, ville française bien connue des Polonais, du fait du Roi Stanislas.
A cet effet, après la description de l'ascendance française, il conviendra de rechercher la nationalité française.
( 3 ) Amédée PONCEAU. La Musique et I’Angoisse . p. 128
( 4 ) Nationalités, p. 17 Coll « Solfège » . bd du Seuil. I956.
( 5 ) Ed Plon. 1951
( 6 ) Histoire de la Musique. Ed Nathan. 1963
( 7 ) Ed 1957
( 8 ) op cite, p. 8
( 9 ) La Musique de piano et de clavecin sous la direction de F R TRANCHEFORT. Ed Fayard. 1987
( 10 ) CORTOT Aspects de CHOPIN chap « ce qu il doit à la France » p. 110. Ed Albin Michel