Chopin.Origine.Ascendance.Famille.Baptême.Nationalité.Passeport.Code civil.

CHOPIN - musicien français

Par Emmanuel LANGAVANT agrégé de Droit public Professeur à la Faculté de Droit de l’université de Lille II

 

 

Chopin musicien francais

Chopin, musicien français

 

 

« Nous ne cessons de regretter que vous ne vous appeliez pas CHOPINSKI, ou qu'il n'y ait pas d'autres marques que vous êtes Polonais car, de cette manière, les Français ne pourraient nous disputer la gloire d'être vos compatriotes », écrit à CHOPIN Marie WODSINSKA. son éphémère fiancée.

 

Ainsi, dès cette lettre de 1835, la question de la nationalité du compositeur est posée. Car cette phrase alambiquée veut dire : « puisque vous n'avez nulle caractéristique polonaise, les Français peuvent vous revendiquer comme tel ».

 

Certes, pour l'homme de la rue, en France, à plus forte raison pour les Polonais, la question de la nationalité du chantre de la Pologne, heureuse dans des mazurkas, martyre dans d'héroïques polonaises, apparaît inutile. CHOPIN lui-même se déclarait « Mazovien corps et âme » ( La Mazovie est la région environnant Varsovie ) et considérait la Pologne comme sa patrie.

 

Le pianiste RUBINSTEIN le considérait comme le plus national des musiciens, et il est vrai que sentiment national, regret de la Patrie, génie slave, furent inscrits dans les profondeurs de l'être CHOPIN, et furent les moteurs de nombreuses compositions.

 

Néanmoins. Antoine GOLEA, critique musical de nationalité roumaine fait observer que « CHOPIN, chantre douloureux de la Pologne martyre, c'est une image d'Epinal qu'on a complaisamment agrandie et multipliée à des milliers d'exemplaires ».

 

Évidemment, élevé en Pologne, ayant baigné jusqu'à sa dix-neuvième année dans un milieu musical polonais, CHOPIN était nourri de musique populaire, de musique nationale polonaise. Il a donc tout naturellement utilisé des rythmes polonais dans son travail de créateur, et composé des Polonaises et surtout des Mazurkas, qui comptent parmi ses plus hauts chefs-d’œuvre. Mais lui prêterait-on des sentiments autrichiens parce qu'il a composé des valses ? Et les Préludes, et les Nocturnes, et la Berceuse, et la Barcarolle, où les classerait-on, alors, sur le plan national ?  GOLEA poursuit : « Si CHOPIN avait vraiment été le patriote impénitent et permanent que l'on décrit, si sa musique n'était vraiment rien d'autre qu'un reflet de cette passion patriotique, il n'aurait pas tourné le dos a la Pologne, âgé de vingt ans,… et pour toujours; il y serait retourné, il se serait solidarisé avec les souffrances et les luttes des authentiques Polonais; il aurait sacrifié une partie de sa commodité personnelle et de ses préoccupations uniquement musicales sur l'autel du pays ou il était né ».

 

Enfin, n'oublions pas que si sa mère était Polonaise, son père, professeur de français établi a Varsovie depuis 1787 était Français, né en France, et n'ayant jamais songé a renier sa nationalité. Déjà on tient compte de sentiments de cet ordre, pourquoi ne pas imaginer qu'une fois à Paris, CHOPIN ail pu sentir vibrer en lui l'autre corde, la corde française, sorte de retour aux origines, au pays de ses pères ? ( 1 ).

 

Les Polonais, dés les débuts du compositeur, ont eu tendance à se l'approprier. Il suffit de rappeler le commentaire paru dans la Presse de Varsovie après l'audition, en 1830, du 1er Concerto:

 

« Est-ce que le talent de M. CHOPIN n'est pas la propriété de sa patrie ? Nous avons de l’espoir que M. CHOPIN ne voudra pas ce qui serait préjudiciable à sa gloire et à celle de sa nation, étouffer plus longtemps notre douce certitude que la Pologne, elle aussi, donne le jour à de grands talents ».

 

 

 

Les questions du pianiste PADKREWSKI : « Pourquoi est-ce en CHOPIN que parle aussi fortement l'âme de la nation ? Pourquoi la voix de notre race jaillit-elle de son coeur, comme des profondeurs inconnues de la terre jaillit la source vivifiante ? » suscitent deux réserves : une, pour le moins, outrancier le terme de race, qui gomme la lignée française, et en second lieu, on peut se demander avec le musicologue français L. REBATTET « si nous n'avons pas fait inconsidérément cadeau a la Pologne d'un des plus grands musiciens français » ( 2 ).

 

 

 

( 1 ) la musique de la nuit des temps aux aurores nouvelles, Ed. Leduc, 1977

( 2 ) Lucien REBATTET. Histoire de la Musique p 328 Ed Laffont. 1971

 

 

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